Pep et l'utopique contrôle

Comme toujours, il a du composer sur tous les tableaux noirs, passer en revue toutes les stratégies, consulter toutes les données et surveiller tous les mouvements. Mais comme trop souvent depuis son arrivée à Munich, cela n'a pas suffit, et son Bayern a été ravagé au Nou Camp au cours d'un dernier quart d'heure de folie omniprésente, mais surtout de maîtrise absente.

Guardiola 1

La Maîtrise totale barcelonaise 


    Plus que tout, Pep est un obsessionnel. Contrôle du ballon, de la possession, du match, de l'alimentation de ses joueurs.. Tout y passait, tout était minutieusement encadré, surveillé, prévu. La chance, le hasard, le mauvais sort étaient l'excuse autant que l'espoir des faibles, de ceux qui délèguent leurs destins et leurs résultats à d'obscures forces supérieures. Pas lui, ni ses équipes. L'Ajax des 70s avait le football total, son Barcelone lui disposait du contrôle permanent et c'est ainsi qu'il dévasta l'Europe. Lorsque ses joueurs perdaient un seul instant la maîtrise du match, on le voyait gesticuler le long de la ligne de touche, agitant ses bras et tapant des mains pour exhorter ses troupes à reprendre le contrôle, tel un pantin désarticulé se refusant à dépendre des fils tirés par le destin.

     Mais aujourd'hui, il ne semble plus autant maîtriser. En Bavière, ses propres joueurs critiquent sa stratégie, des voix s'élèvent parmi les supporters suite à la deuxième déroute consécutive en demi-finale, et les dirigeants émettent des réserves de plus en plus frontales. S'il a toujours été un sanguin du bord de terrain, Guardiola semble perdre également son propre contrôle, applaudissant le docteur du club suite à une énième blessure, poursuivant des arbitres de touches, répondant fermement aux piques, se donnant en spectacle et se jetant en pâture.

     Au final, depuis qu'il a débarqué à Munich, il y a deux choses sur lesquelles il n'a jamais su avoir le moindre contrôle, lui qui le recherche tant. Le fantôme de Heynckes , planant toujours autour de l'Allianz Arena les soirs de déconvenue pour rappeler le temps béni du triplé de 2013, mais également les attentes placées en lui. On pourrait penser que le monde est injuste avec celui qui a déjà remporté deux championnats, une coupe d'Allemagne, un championnat du monde des clubs et une supercoupe d'Europe en deux années. Mais ce serait oublier les raisons de sa sélection à ce poste. Faire du Bayern le plus grand club du monde, et le pérenniser en tant que numéro 1. Une mission, certes bien lourde, qui pour être réussie passait forcément par un autre succès en Europe.

Alter-ego madrilène ou égo altéré ? 

    Son cas n'est pas sans rappeller celui de son némésis Mourinho à Madrid. Comme Guardiola, il venait en vainqueur, mais les attentes étaient ardues : stopper l'hégémonie catalane et l'hémorragie madrilène, ainsi que glaner la Decima. Bilan très mitigé : Une coupe du roi, un championnat, trois éliminations en demi-finale européenne et un club mis à dos en trois ans. Depuis, quelque chose n'est plus pareil, son aura est moins éclatante, ses performances plus critiquées, et son personnage semble viré à la caricature.

     On retrouve chez Guardiola les mêmes thématiques : les objectifs trop lourds à porter, le poids des victoires passées difficile à assumer, et surtout la confrontation de plus en plus prononcée avec l'institution du club, ce qui soulève forcément une question. Ces hyper-entraîneurs modernes, si imposants, si médiatiques, si charismatiques peuvent-ils vraiment se greffer à un ogre européen différent de celui qui les a vu naître ? Pep et le Bayern sont-ils trop grands chacun pour cohabiter ? Après tout, Mourinho n'est-il pas retourné à Chelsea, son premier amour, après sa déconvenue madrilène ? Tandis que Madrid choisissait Ancelotti, un entraîneur sachant se plier, se faire petit et s'adapter aux institutions. Un entraîneur aussi qui n'arrivait pas avec ses joueurs, ses idées, son style de jeu, chose qu'à fait Guardiola à Munich.

     Mercredi soir, Messi échappa au contrôle de la défense bavaroise. Après le match, Pep se refusa à tout commentaire sur l'argentin. Comme s'il se refusait à admettre que certaines choses n'étaient pas contrôlables. Léo, sa création, son chef d’œuvre, son invention, en tête. Mais aussi le Bayern, son choix. Guardiola le contrôleur est aussi un romantique, il a toujours clamé être prêt à mourir pour ses idées. Mais si c'était ses idées qui le tuaient ?  

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