Le processus de starisation de l'Olympique Lyonnais dans les années 2000
- Le 12/11/2014
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Pour s'imposer comme le meilleur club français des années 2000, le président Jean-Michel Aulas a pris conscience que l'acquisition de stars pouvait faire de l'OL une équipe supérieure aux autres en Ligue 1. Un processus de starisation progressive est alors mis en place chaque année, jusqu'au déclin provoqué par un manque de renouvellement de ces joueurs de talent.
Dans une équipe, on peut compter sur deux types de stars : celles qui sont formées et émergent progressivement, suivies par le public au cours des saisons ; celles qui sont achetées, très souvent de manière onéreuse, mais dont le recrutement est aussi bien sportif que médiatique et économique. Lorsqu’on décide d’acheter un joueur côté, reconnu du milieu footballistique, on s’expose inévitablement à devoir payer une somme plus importante que pour un simple joueur. S’offrir une star, c’est en théorie : renforcer une équipe à un poste précis où un manque criant a été identifié ; faire la une des journaux sportifs et ainsi attirer l’attention médiatique ; penser aux retombées économiques immédiates (ventes de maillots, spectateurs en hausse …) et futures (indemnité de transfert de départ importante si le joueur confirme son talent et garde une bonne côte sur le marché des transferts). Les deux premiers points sont en général plutôt bien respectés, mais le dernier est beaucoup plus aléatoire, car divers paramètres rentrent en jeu : âge du joueur, poste occupé, état physique, durée de contrat restante … A l’OL, le processus de starisation de l’effectif dans les années 2000 est une réussite, puisqu’une grande majorité de leurs joueurs possèdent une valeur importante sur le marché. Cependant, on peut observer qu’il y a plutôt des joueurs qui deviennent des stars alors qu’ils n’en étaient pas, comme les exemples de joueurs développés auparavant (Florent MALOUDA, Michael ESSIEN, Mahamadou DIARRA, Eric ABIDAL …). Les joueurs recrutés directement avec le statut de star répondent aux attentes, mais sans forcément atteindre le maximum de leurs capacités entrevues par le passé.
La filière brésilienne au commencement
Un premier exemple illustre cette idée, le transfert de l’attaquant brésilien Giovane ELBER, arrivé du Bayern Munich en 2003 pour 4,2 millions d’euros. Attaquant au sens du but rare, auteur de 123 buts en 256 matchs dans le championnat allemand, il arrive en tant que l’un des meilleurs buteurs européens, et déjà profondément regretté par ses anciens supporters et membres du Bayern Munich. ELBER réalise une première saison correcte, avec 10 buts en 27 matchs de Ligue 1, mais ne peut hausser son niveau lors de sa deuxième saison puisqu’il se blesse très rapidement, une fracture à la cheville droite à la fin du mois d’août 2004. L’attaquant brésilien ne réussit pas à regagner sa place de titulaire, il ne joue que 3 matchs de Ligue 1 au cours de la saison 2004/2005, victime d’une concurrence et d’un niveau qu’il n’arrive pas à retrouver. Son départ est entériné à l’été 2004 : il devait être l’attaquant star des nouveaux projets européens de Jean-Michel AULAS, mais c’est un échec sportif et médiatique au final.
Son recrutement avait été effectué afin de remplacer le buteur-star précédent, à savoir Sonny ANDERSON, un autre brésilien et première véritable vedette achetée par l’OL dès 1999, qui réussit au contraire à tenir le rang qu’on espérait de lui. Le président se rend compte entre 1997 et 1998 que pour gagner des titres, il faut des grands joueurs et des moyens financiers adéquats pour se les offrir : trouver de nouveaux actionnaires devient la priorité du club. Le groupe français Pathé, dirigé par Jérôme SEYDOUX, investit 100 millions de francs après que Jean-Michel AULAS ait ouvert le capital de l’OL. Cet argent est utilisé très rapidement : en juin 1999, les dirigeants lyonnais se rendent à Barcelone, afin de négocier le transfert du buteur Sonny ANDERSON, auteur de 21 buts en 68 matchs avec le club catalan. On réclame la somme de 116 millions de francs au président AULAS (soit 19 millions d’euros) : il n’arrive pas à négocier plus bas, et doit de plus payer la somme en cash. Le transfert est tout de même concrétisé, et constitue alors un record pour la Première Division à cette époque.
Le joueur n’est pas un inconnu en France, après avoir déjà évolué à l’Olympique de Marseille en 1994 et à l’AS Monaco entre 1994 et 1997. Il s’impose à Lyon comme l’attaquant vedette dont manquait le club pour rafler des titres, un objectif atteint avec lui à deux reprises, en 2002 et en 2003 pour les deux premiers titres de champions de France de l’OL. Le retour sur investissement est ici pleinement rempli : Sonny ANDERSON dispute 161 matchs et marque 94 buts en Ligue 1 sur quatre saisons. Lors de son départ au club espagnol de Villareal en 2004, il ne rapporte aucune indemnité de transfert à Lyon, car libéré un an avant la fin de son contrat pour « services rendus ». Déjà âgé de 34 ans, il était difficile d’espérer obtenir une forte indemnité de transfert pour l’attaquant brésilien. L’aspect financier n’est de toute façon pas le plus important dans l’affaire : le joueur a été acheté pour remplir des objectifs sportifs, avec succès, et non pour réaliser des bénéfices sur sa revente.
Des joueurs français aux rendements très variés
La même stratégie peut être mise en avant pour expliquer le recrutement d’un joueur comme Sylvain WILTORD. Vainqueur de l’Euro 2000 avec l’Equipe de France, milieu offensif titulaire indiscutable du club anglais d’Arsenal depuis 2000, il arrive gratuitement dans les dernières heures du mercato d’été 2004 à l’OL, déjà âgé de 30 ans. Jean-Michel AULAS a ici associé le coup médiatique avec le coup sportif et financier : faire venir l’un des meilleurs joueurs français de l’époque (malgré une dernière saison difficile à Arsenal, seulement 12 matchs disputés), au talent reconnu, sans avoir à payer d’indemnité. Lors de sa signature, le président affirme que « Sylvain a le profil pour participer à l’ambition de l’OL », démontrant ainsi le rôle que l’on compte donner à l’international français. Quel bilan à l’arrivée ? 114 matchs pour 32 buts, un total correspondant à ce que l’on pouvait attendre de lui, même s’il n’est pas constamment titulaire. Un joueur de ce calibre permet d’encadrer un groupe, de faire progresser les jeunes en apportant son expérience, c’est donc une bonne affaire à tous points de vue. Comme Sonny ANDERSON, il n’est pas recruté pour obtenir une plus-value, étant donné son âge : on ne veut utiliser que son talent sportif, même s’il part au Stade Rennais en 2007 contre 1,5 millions d’euros. Dans les années 2000, on aurait également pu citer les exemples de l’attaquant norvégien John CAREW, du milieu portugais TIAGO ou bien de l’attaquant brésilien FRED, qui ont plus ou moins marqué l’histoire du club et apporté la réussite sportive.
La limite de la politique de starisation de l’effectif se pose lorsque le recrutement d’une star est un échec immédiat : un achat est toujours une prise de risque, mais à partir du moment où un joueur payé très cher ne satisfait pas, il peut rapidement devenir un poids économique et sportif. On sort ici du cadre chronologique défini dans ce mémoire, mais il faut pourtant l’évoquer car c’est l’exemple symbolique du déclin de la machine lyonnaise en tant que puissance sportive et économique. Il s’agit du cas de Yoann GOURCUFF, meneur de jeu français recruté aux Girondins de Bordeaux à la fin de l’été 2010 pour une somme rondelette comprise en 19 et 26 millions d’euros. Annoncé comme successeur de Zinedine ZIDANE en Equipe de France, après une saison 2008/2009 très aboutie avec Bordeaux, il arrive à l’OL sous l’impulsion de Jean-Michel AULAS, qui compter installer le jeune joueur comme pierre angulaire de son projet de club. Yoann GOURCUFF doit être la vedette représentant les nouveaux succès de Lyon. Mais des soucis apparaissent très vite : le meneur de jeu enchaine les blessures à répétition, tout en conservant un salaire conséquent (aux alentours de 400 000 euros bruts mensuels) pour un club affaibli économiquement. Vilipendé par les médias, il commence à trainer une réputation d’échec sportif et économique, avec un fléchissement important de sa valeur. A l’heure actuelle, il est encore un joueur de l’OL, et vient d’accepter de diviser son salaire de moitié, alors que cet argent aurait pu servir à acheter d’autres joueurs. En voulant acheter la plus grande star du championnat à l’époque, Jean-Michel AULAS a embourbé son club dans la crise économique, les résultats sportifs ne permettant pas de remonter la pente, d’autant plus que le club côté en Bourse a vu son titre fortement baisser. On a donc ici l’exemple d’un transfert phare raté, alors qu’il aurait pu au contraire être l’élément fondateur d’un renouveau sportif et économique. Ainsi, si la politique de starisation progressive de l’effectif a plutôt fait ses preuves lors de la conquête des titres successifs de champions de France, elle s’arrête nette avec l’échec Yoann GOURCUFF : l’OL est désormais contraint de s’appuyer quasi totalement sur sa formation et ne peut plus recruter de stars comme auparavant.
Le déclin provoqué par une politique trop ou pas assez ambitieuse ?
Le modèle sportif modelé par Jean-Michel AULAS s’est petit à petit érodé, comme en témoigne la saison 2007/2008, dernière année où le club est champion : sur les huit recrues entre le mercato d’été et d’hiver, toutes ou presque sont des échecs. On retrouve pourtant l’achat de jeunes prometteurs (Mathieu BODMER, Kader KEITA, Cleber ANDERSON, Nadir BELHADJ, Marc CROSAS), de stars (Fabio GROSSO, César DELGADO) et de joueurs plus expérimentés (Jean-Alain BOUMSONG) Ces opérations reprennent les stratégies sportives mises en place par Jean-Michel AULAS, comme on a pu le voir auparavant, mais elles se trouvent anéanties par de mauvais choix de recrutement ou d’utilisation. A titre d’exemple, Mathieu BODMER est l’une des rares satisfactions de la saison, disputant 37 matchs pour 6 buts en Ligue 1. Tous les autres jouent relativement peu, mis à part Fabio GROSSO (champion du monde 2006 avec l’Italie) et Kader KEITA (transféré pour près de 20 millions d’euros en provenance de Lille), mais lesquels n’atteignent jamais leur niveau espéré. Ces investissements constituent des pertes sportives et économiques et nous donnent la preuve que s’il est possible de mettre en place un modèle sportif afin de devenir champion de France, il peut aussi se retourner contre le club et lui causer de nombreux dommages à trop vouloir en abuser. Ici, Jean-Michel AULAS a toujours plus ou moins cherché à avoir le meilleur effectif possible grâce à des moyens financiers largement supérieurs à ceux de ses concurrents (PSG, Marseille …).