La genèse du football féminin (Partie 1/2)
- Le 03/06/2015
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A une époque où le football féminin est en pleine ascension en Europe et surtout en France, il est de bon ton de rappeler les différentes étapes, les différentes marches franchies, par ce sport, loin d'avoir fait l'unanimité au début.
Aujourd'hui, parler de football féminin devient de plus en plus commun, le sujet intervient dans les débats télévisés, radiophoniques, de multiples reportages sont réalisés. Cette progressive installation du football féminin dans le milieu sportif se démontre aussi par la starification devenue plus fréquente des grandes joueuses de ce sport, on peut citer pour exemple Gaethane Thiney, Louisa Necib, Shirley Cruz, Eli Wambach, Eugenie Le Sommer, Marta...
Phénomène à la popularité récente causée par un égalitarisme des sexes de plus en plus avancé et provoqué, le football féminin pourrait être assimilé à l'image d'un sport jeune, n'ayant qu'une petite place dans tout le panel historique du football, de son apparition au début de la seconde moitié du XIXème siècle à nos jours...
Pourtant le football féminin n'existe pas que depuis quinze ans. Il a une histoire bien plus riche et bien plus ancienne que ça, commençant dès la fin du XIXème siècle en Angleterre dans le sillage de la professionnalisation du football masculin...
A la fin du XIXème siècle, l'Angleterre se passionne depuis déjà trois décennies pour le football, sport né dans les universités anglaises pendant les années 1850, il ne connaît que l'ascension et l'adhésion des populations composant la Grande-Bretagne.
Peu à peu le football en Angleterre se professionnalise et les joueurs commencent à être payés, à faire de la pub, à être transférés... Le football devient un véritable métier à part entière.
Touchant une grande majorité de la population, le football a pourtant dès ces débuts l'image d'un sport exclusivement réservé à la gente masculine, un sport capable de démontrer toute la virilité des hommes.
Les femmes, pourtant, sont présentes dans les travées des stades, pour soit accomplir une obligation conjugale (le couple se déplace ensemble, la femme suit l'homme) ou bien, pour une minorité, prendre plaisir à regarder ce sport si particulier, si prenant, si addictif, jusqu'à égayer la curiosité et la tentation...
C'est ainsi que les femmes les plus aventureuses s'essayent à la fin du XIXème siècle à la pratique du sport au ballon rond, une situation cocasse à l'époque, qui en surpris plus d'un mais en agaça surtout beaucoup....
Cette naissance du football féminin, cet embryon de football, apparaît bien entendu au Royaume-Uni et plus précisément en Écosse où le 7 mai 1881 se déroule le premier match de football féminin attesté, opposant une sélection d’Écosse face à celle d'Angleterre au Easter Road Stadium d'Edimbourg ceci sous l'impulsion d'une militante féministe et suffragette écossaise Helen Matthews. Cette première expérience en appela d'autres au pays des Scots mais le football féminin en Ecosse disparu quasiment aussi vite qu'il n'apparut faisant en effet face à une dure répression d'une partie de l'opinion publique qui ira jusqu'à envahir le terrain et molester les joueuses à même le sol...
Cette première expérience bien que brève démontra au moins une volonté d'une partie des femmes de la société britannique de s'affirmer, de changer les mentalités sociétales mais aussi d'adhérer à un sport en plein développement et à l'attrait si mystérieux.
L'attrait de ces femmes pour le football est d'abord un attrait véritable pour le concept du sport, son esprit de compétition, les caractéristiques de son jeu mais peu à peu celles-ci voient à travers le football un bon moyen de revendication des droits des femmes, le football alors considéré comme sport symbole de la masculinité est le meilleur moyen pour celles-ci de se faire entendre et surtout connaître.
L'expérience écossaise inspira les femmes de la société anglaise, c'est ainsi qu'en 1895 une équipe de football féminin est crée sous l'impulsion d'une aristocrate écossaise connue pour son militantisme féministe et son côté aventureux, c'est Florence Dixie.
(Honeyball) (Dixie)
Dixie vient de la haute noblesse britannique étant la fille du 8ème marquis de Queensberry, Archibald Douglas.
Connaissant une vie éloignée des codes et coutumes aristocratiques, voyageant beaucoup, Dixie eu une part sans égale dans l'introduction et la popularisation du football féminin à la fin du XIXème siècle étant la présidente du premier club de football féminin d'Angleterre, le British Ladies Football Club, club ayant était fondé en 1895.
Le club devient peu à peu légitime auprès d'une partie de la société, il marche comme une association normale et à le même fonctionnement que ces semblables masculins, des matchs sont organisés face à des sélections féminines à travers tout le pays rassemblant souvent entre 7 et 12 000 spectateurs, une belle performance. Menées par leur capitaine Nettie Honeyball, le premier match du club officiellement répertorié se déroule le 23 mars 1895 au stade Crouch End de Londres face à une sélection de londoniennes originaires du Nord de la ville et ceci devant une foule de plus de 11 000 spectateurs, curieuse mais aussi admirative devant l'audace des jeunes femmes.
(British Ladies Football Club en 1895)
L'ascension de cette équipe lui vaudra de faire une tournée en Écosse contre les rares équipes écossaises encore existantes, construites sur les ruines des événements de 1881, Florence Dixie proclame à cette occasion « Les filles devraient entrer dans l'esprit du jeu avec de l'âme et du coeur » symbolisant ainsi que le football féminin doit devenir sport à part entière et non pas un folklore ou une envie de bonne femme voulant imiter leurs hommes comme présentée par ces détracteurs.. Le British Ladies Football Club devient peu à peu l'étendard de la cause féminine à travers le Royaume-Uni et le football féminin connaît dès lors une période faste marquée par la diffusion du sport à travers l'Europe et notamment en France.
De plus des matchs entre le BLFC et des équipes de jeunes masculines s'organisent peu à peu déclenchant l'hostilité de plus en plus virulente des opposants au football féminin et notamment en interne de la Football Association, qui en 1902, interdit à ses membres de jouer contre des équipes féminines sous peine de sanctions financières, administratives voire même d'expulsion de l'Association.
Il faudra attendre la Première Guerre mondiale pour que le football féminin connaisse une forme de légitimité même si celle-ci est à la condition d'une collaboration à la propagande de guerre et du patriotisme poussé à son extrême. Des matchs à but caritatifs sont organisés par les ouvrières, les femmes de soldats pour venir en aide aux mutilés, aux orphelins, c'est un moyen pour les femmes de participer à leur manière à la guerre... Ses matchs remplacent les matchs du championnat anglais stoppé en 1915 à cause de la guerre et trouveront un certain public malgré l'absence de tout enjeu sportif et enfermant en fait la femme dans le rôle de mère, d'infirmière, de personne généreuse, incapable de devenir un véritable modèle pour la jeunesse, pas d'identification ni de starification... Les codes sont fixés.
Le football féminin continue de se développer au Royaume-Uni et c'est en France que le football féminin va trouver une autre terre d'accueil.
En effet, en le 30 septembre 1917 se déroule à Paris le premier match de football féminin français entre les membres du Fémina Sport, club fondé en 1912 opposant les équipes de Thérèse Brulé et de Suzanne Liébrard. La rencontre se terminera par une victoire 2-0 de l'équipe de Brulé.
Ce club sera le club pionnier du football féminin français prenant les mêmes codes que celui du BLFC, organisant des matchs entre les différents clubs féminins ou contre des jeunes lycéens introduisant dès lors, la mixité dans les matchs de football français.
(Le Femina Sport en 1920)
Le club popularise beaucoup le football féminin dans le bassin parisien, trouvant son public et ses adhérentes principalement dans les milieux populaires et petite bourgeoisie.
Le club remporte les deux premiers championnat de France féminin (premier championnat au niveau mondial) en 1918 et 1919 et portera son nombre de titres à douze dominant une grande partie des années 20, remportant le championnat de 1923 à 1932 et ajoutant à ce palmarès trois Coupe de France en 1921, 1923 et 1926.
Pourtant le football féminin français et anglais sont victimes de critiques acerbes d'une partie de la société post-Première guerre mondiale souhaitant un retour à la « normale » et à un conservatisme d'avant guerre tandis qu'une partie de la société, elle, souhaite un changement des mentalités et encourage le développement du football féminin...
A suivre