Il y a 50 ans, Joe Mercer...
- Le 13/07/2015
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Depuis maintenant 7 ans et l'arrivée des investisseurs émiratis, Manchester City est devenu un club à l'envergure internationale. Désormais régulièrement qualifié en Ligue des Champions, le club est devenu un poids lourd de la Premier League, gagnant deux championnats en 2012 et 2014, une FA Cup en 2011, une Coupe de la Ligue en 2014 et un Community Shield en 2012, dépoussiérant ainsi un palmarès longtemps inchangé et presque oublié...
La plus grande partie de l'histoire de City en terme de titres est en ce moment même, lui donnant à tord une image de club sans âme, avec une histoire extrêmement récente, une histoire achetée, pas légitime, faisant oublier les exploits d'un grand entraîneur anglais qui de 1965 à 1971 a fait rêver les fans des Citizens et sans investissements extravagants excusez du peu...
Cet entraîneur c'est Joe Mercer. Né le 9 août 1914 à Ellesmere Port dans le Cheshire une région du nord-ouest de l'Angleterre, le petit Joe vit dans une société industrielle, les cheminées des entreprises sont sa vue quotidienne mais c'est aussi une société où le football, sa passion sont présents partout. Petit, il assiste à des matchs entre ouvriers dans un contexte d'après-guerre et tape le ballon contre les murs de sa maison ou de l'usine près de chez lui, la fièvre du football l'a envahie. Cette fièvre vient aussi de son père, Joe Mercer Sr qui joue au football de façon professionnelle faisant carrière à Nottingham Forrest et Tranmere Rovers. Mobilisé pendant la guerre, le père de Mercer revient du front, diminué, affaibli du fait d'une attaque au gaz moutarde qu'il a subi avec son régiment lors d'un bombardement désespéré des allemands pour reprendre la tranchée britannique. Son état s'aggrave avec le temps et il fait ses adieux en 1926 des suites de sa maladie, le petit Joe Mercer a alors 12 ans et sera toujours marqué par la mort de son père.
Néanmoins et presque en hommage Joe redouble d'efforts pour devenir joueur professionnel comme le fût son défunt père. Il joue pour le club local d'Ellesmere Port et montre rapidement des qualités au-dessus de la moyenne, le football amateur devient vite un frein à sa progression même si le fait de s'éloigner du giron familial et surtout de sa mère l'effraie un peu.
Pourtant dès 1932, Joe Mercer part pour Everton à l'âge précoce de dix-huit ans, il y restera jusqu'en 1946 soit quatorze ans, période à relativiser du fait de la Seconde Guerre mondiale bloquant toutes compétitions nationales entre 1939 et 1945 à cause de la conscription prenant en grand nombre les hommes ainsi que les footballeurs qui au contraire de la Première Guerre mondiale n'ont cette fois-ci pas de statut privilégié. Mercer joue en réalité huit ans chez les Toffees jouant 186 matchs pour 2 buts marqués au poste de milieu défensif voire de défenseur central pour dépanner, connaissant aussi ses cinq et seules sélections avec l'équipe nationale en 1938.
Joueur sérieux, hargneux et efficace, Mercer signe à Arsenal en 1946 pour ne le quitter qu'en 1955 après plus de 247 matchs et là encore 2 buts devenant aussi dans le cœur des supporters des Gunners, une référence au poste et une légende du club, remerciant sa fidélité, son amour du club et sa longétivité au haut niveau prenant sa retraite en 1955 à un peu plus de 41 ans après une longue blessure à la jambe, finissant une carrière de joueur riche de trois titres de champions d'Angleterre en 1939 avec Everton, en 1948 et 1953 avec Arsenal auquel il faut ajouter deux FA Cup en 1933 et 1950, trois Charity Shield en 1932, 1948 et 1953.
Après sa carrière de footballeur, Mercer reste assez proche des Gunners en supervisant des joueurs pour le club londonien ceci ne faisant pourtant pas de lui un membre à part entière de l'organigramme du club. Souhaitant peu à peu transmettre son savoir et sûr de son charisme, Mercer propose plusieurs fois au club de le nommer en tant qu'entraîneur quelque soit la catégorie voulant véritablement s'impliquer dans l'avenir du club, il n'essuya que des refus répétés...
Les refus d'Arsenal auront toujours laissés un peu d'amertume à Mercer, bien qu'aimant le club, il estimait comme légitime qu'il est une place dans l'organigramme du club après sa carrière.
C'est ainsi qu'il accepte son premier poste d'entraîneur en 1955 du côté de Sheffield United, une petite équipe de seconde division qui à l'époque est destinée à la relégation à la vue de la qualité de son effectif. Mercer ne peut éviter la relégation en fin de saison faute de matière et de qualité de son effectif.. Les deux saisons suivantes, Mercer n'arrive pas à faire remonter l'équipe en seconde division, c'est une équipe jeune, inexpérimenté, pourtant Mercer améliore la qualité de jeu de l'équipe pendant ses trois années mais parlera toujours d'échec en parlant de de son expérience à Sheffield. Il quitte le club en décembre 1958 pour rejoindre Aston Villa, club de première division pour essayer de franchir un palier dans sa carrière d'entraîneur.
Cependant, il ne peut là encore pas éviter la relégation de son équipe en seconde division, partant de beaucoup trop loin au classement.
Les dirigeants lui laisse carte blanche et il devient en quelque sorte le manager général des Villans à cette période. Ambitieux, Mercer améliore le jeu de l'équipe au bout de quelques années et révèle de nombreux jeunes joueurs qui seront appelés les « Mercer's Minors » à partir de 1961. En 1959, il atteint les demi-finales de la FA Cup et remonte en première division l'année suivante en gagnant le championnat de seconde division. La saison 1960-1961 sera très bonne, Villa finissant 9ème du classement mais surtout gagnant la première édition de la Coupe de la Ligue anglaise contre Rotherham United sur le score cumulé de 3-2 après une prolongation haletante.
Mercer devient alors un manager respecté en Angleterre connu pour le côté spectaculaire des ses équipes et son goût pour l'offensive. Sa popularité récente et folle lui vaut de la part de nombreux fans, une campagne publicitaire pour qu'il devienne le nouveau sélectionneur national. Flatté, Mercer estime que c'est bien trop tôt et qu'il est très bien chez les Villans qu'il a construit à son image et où il est très impliqué peut-être même trop au goût de certains... Son surmenage lui provoquera des soucis de santé dont un qui faillit l'enlever. Une attaque cérébrale en 1964 le touche et l'assomme, il doit se reposer pendant plus de six mois. La direction d'Aston Villa ne pouvant attendre tout ce temps malgré les promesses faites à Mercer le licencie pendant son hospitalisation, presque sans indemnité.. Malgré la pression de beaucoup de supporters de Villa pour le voir revenir, il n'en sera rien, la carrière de Mercer à Villa est terminée.
Remis de son attaque bien qu'encore assez fragile selon les dires de ses médecins, Mercer accepte le 13 juillet 1965 le poste d'entraîneur de Manchester City. Moins fort qu'avant il nomme comme adjoint un jeune entraîneur anglais qui lui a tapé dans l’œil, Malcolm Allison. Les deux compères représentent déjà deux époques du football, Mercer vient d'un football dit plus traditionnel, d'avant-guerre alors qu'Alisson manie un football plus moderne, plus psychologique et plus direct. Le duo se complète et Mercer déclare à ses détracteurs « La chance était irrésistible. Je savais que les gens doutaient de moi. Il y avait des doutes à propos de ma santé mais je ne doutais pas de mes capacités à revenir. Allison était magnifique. Je savais que nous deux nous avions une chance à Manchester City. Bien qu'ils étaient en deuxième division, City était un club avec une tradition et un bon public. »
Ensemble, le duo Mercer-Allison fait des merveilles, le jeu de l'équipe s'améliore nettement et cela se caractérise par une montée en 1966 et de bons parcours en FA Cup. Le club fait signer des joueurs tels que Mike Summerbee venant de Swindon Town, Colin Bell venant de Bury, Tony Book venant de Plymouth...
La saison suivante, le club parvient à se maintenir en première division finissant quinzième. L'équipe construite par le duo Mercer-Allison autour de Summerbee se renforce pendant l'intersaison avec le buteur de Bolton, Francis Lee. La saison 1967-1968 sera un enchantement, le collectif des Citizens est parfaitement huilé et Lee enchaîne les buts marquant 17 buts en 35 matchs, remportant en fin de saison le second titre de champion de l'histoire de Manchester City, 31 ans après celui de 1937..
L'année suivante, le club remporte le Charity Shield et la FA Cup et se qualifie pour la Coupe d'Europe. Manchester City est alors considéré comme une des équipes pratiquant le plus jeu en Europe et les derbys contre le Manchester United de Best, Law et Charlton sont très attendus.
La saison suivante sera l'une des plus grandes de l'histoire du club. Se concrétisant par une victoire en finale de Coupe de la Ligue contre West Bromwich Albion (2-1) mais surtout une victoire en finale de Coupes des Coupes contre le club polonais du Gornik Zabrze sur le score de 2-1 avec un but de l'inévitable Lee sur penalty, cela reste encore aujourd'hui le seul et unique titre européen de Manchester City, le duo Mercer-Alisson est alors à son apogée..
La suite de l'association Mercer-Allison devient plus sombre et plus tendue, Allison est alors un entraîneur de plus en plus ambitieux et voit Mercer comme un frein dans son ascension, de plus une partie de la direction des Citizens soutiennent la revendication d'Allison. Le désir d'Allison est simple, il souhaite prendre en main seul l'équipe et placé Mercer en directeur général éloigné des terrains et de la lumière des médias. La tension est de plus en plus forte et les différentes réunions avec Peter Swales le président du club, ne peuvent régler une situation terriblement palpable où deux véritables camps s'opposent les pro-Mercer et les pro-Allison. L'élément déterminant, celui-qui régle l'affaire arrive le 7 octobre 1971 deux jours après une défaite de City à Bolton en Coupe de la Ligue. Le conseil d'administration décide de laisser les rênes de l'équipe à Allison et Mercer devient directeur général du club, le plan d'Allison a marché.. Cependant cette situation ne marchera absolument pas tant les relations entre les deux hommes devinrent impossibles..
Cette situation ne fut que le début de la chute de Mercer. Il perd sa place de stationnement privé au club en juin 1972 et est progressivement rejeté par l'ensemble du conseil d'administration du club voyant en Allison le meilleur moyen de progresser et comme le principal artisan des titres obtenus lors de la période Mercer-Allison, Mercer est considéré désormais comme un homme du passé, un has-been..
Cependant, le rejet de Mercer ne fut pas total et ne fut que l'objet de la direction, en effet les fans de City furent attristés d'apprendre comment leur entraîneur avait été remercié, d'une façon si vulgaire. C'est ainsi qu'ils l'invitèrent à leur cérémonie annuelle en chantant sa gloire, lui offrant des cadeaux pour son départ.. Les supporters, contrairement à la direction, voyaient en Mercer le véritable contributeur de la période dorée du club et étaient attachés à la personnalité de leur ancien entraîneur.
Mercer fut un grand entraîneur et permit à City d'écrire une grande partie de son histoire, de son palmarès. Son duo avec Allison, bien qu'ayant connu une fin tragique fut un des duos les plus innovateurs et populaires au Royaume-Uni et en Europe, le parallèle avec le duo Clough-Taylor était facile à faire dans ces années là et quelqu'uns estiment que ce dernier s'inspira du premier.
Mercer apporta à Manchester City une nouvelle légitimité, un nouveau statut, jouant un football plaisant, offensif dans un championnat anglais qui à la fin des années 60-début années 70 était considéré comme le championnat le plus spectaculaire au monde.
Sa popularité est encore forte dans les cœurs des supporters de City n'hésitant pas quand ils gagnent un titre à chanter Mercer et à rappeler à travers ses chants que l'histoire de City n'a pas commencé il y a sept ans...