Historyfoot: Les origines du football allemand

Rentrant d'un voyage de quelques années en Angleterre, Koch amena un ballon de cuir dans sa classe, d'abord dubitatif les élèves commencèrent à s'amuser et a aimer réellement ce sport « venu d'ailleurs ».

Cette instrusion d'un sport anglais en Allemagne révolta dans un premier temps les conservateurs allemands qui voyaient d'un mauvais œil que quelque chose d'anglais influence les jeunes allemands.

Le contexte de l'époque explique très bien cette méfiance des allemands. En effet, dans la fin du XIXème siècle, la conquête de colonies s'intensifia et la Grande-Bretagne était vue comme une concurrente et le football, sport typiquement anglais à l'époque était vu comme un moyen de destruction du modèle sportif allemand. D'ailleurs, les critiques les plus virulentes viennent du monde de la gymnastique (pratiquants et professeurs) qui ne voyaient dans le football qu'un jeu barbare et comme une « épidémie anglaise », une des raisons est aussi la prise de conscience du monde gymnaste du potentiel rassembleur du football et la gymnastique voit le football comme un concurrent à l'adhésion nationale et à la propagation des idéaux nationaux.
Le football fut aussi accusé de rendre les jeunes inaptes pour l'armée et qu'il avait une mauvaise influence sur la jeunesse, le football rendant « anglais » l'allemand gymnaste.

Présenté comme révolutionnaire et influencé par les « lubies anglaises », Konrad Koch était pourtant un fervent conservateur et patriote. Lui voyait le football comme un complément de la gymnastique considérant les exercices enseignés comme trop répétitifs et voulait réformer (une fois de plus) le système gymnique allemand. En aucune façon, Koch considéré le football comme un sport propre, à l'écart de la gymnastique, il ne voulait pas rompre l'idéal que représenté la gymnastique pour la nation dans sa construction.
Devant tant de critiques, Koch voulut nationaliser le football avec tout d'abord l'écriture des premières règles du football en allemand en 1875. S'inspirant du système de Jahn et de sa devise des 4F « Frisch,Fromm,Frohlich,Frei », Koch prouvait là encore son attachement aux traditions allemandes et considéré véritablement le football comme faisant parti de la gymnastique. Koch ne s'arrêta pas là et « germanisa » les termes spécifiques liés au football en utilisant par ailleurs des termes militaires afin que le « Fussball » rentre dans les mœurs de la société allemande, Koch étant convaincu de ses vertus sportives et collectives, c'est ainsi que le terme Sturmer fut utilisé pour désigner « l'avant ».
Koch voulait malgré tout que le football reste dans un cadre purement scolaire et comme complément de la gymnastique. Ainsi selon Malte Oberschelp, historien du football allemand, Koch était contre la démocratisation du football et son instauration total en Allemagne, refusant le caractère identitaire des couleurs des maillots, refusant de jouer contre des équipes étrangères... "Il était plutôt du côté des gymnastes qui s’y opposaient farouchement. Il était contre les maillots de couleur que portaient les joueurs, à l’instar des footballeurs anglais. Il ne voulait pas disputer de matches contre des équipes étrangères, il refusait de participer aux entraînements, il était contre les grandes foules de supporters et ne voulait surtout pas que le football devienne un sport professionnel."

(Konrad Koch)

Koch, pour signifier son désir d'un football allemand profondément lié à la gymnastique et aux traditions allemandes alla même jusq'à punir sévèrement tout élève utilisant un terme anglais pendant la pratique du football dans le cadre scolaire.
Malgré tout, il créa le premier club de football scolaire allemand en 1875 dans son lycée de Braunschweig, permettant de considérer définitivement Koch comme le pionnier du football en Allemagne. L'histoire de Koch a d'ailleurs été convertie en film en Allemagne avec le film Der ganz grosse traum («L'incroyable équipe ») sorti en 2011 présentant un Konrad Koch (interprêté par Daniel Bruhl) réformateur et gaffeur qui grâce à ses élèves va bousculer les traditions sportives conservatrices de l'Empire allemand.
Malgré les efforts de Koch pour maintenir le football dans un cadre scolaire, « l'épidémie anglaise » est contagieuse en Allemagne et après la fondation du club scolaire de Braunschweig en 1875 la place du football en Allemagne et notamment au niveau des classes populaires va augmenter. Des clubs scolaires sont fondés à Hanovre et Brême en 1878 signifiant peu à peu une adhésion de masse de la population allemande mais aussi des élites du pays qui voient comme pour la gymnastique, un moyen d'affirmation de l'appartenance nationale.

Peu à peu le cadre scolaire devient trop petit pour un sport touchant de plus en plus les milieux populaires, ouvriers, des populations de masses dû à l'industrialisation initiée en Allemagne, ainsi le premier véritable club de football naît à Berlin sous le nom du BFC Germania le 15 avril 1888, le nom n'étant pas un hasard et démontrant une veritable germanisation du football en Allemagne, le football est définitivement ancré dans la société allemande de la fin du XIXème siècle. En 1895, tel un symbole un club de football pour adultes est fondé à Braunschweig une façon de boucler la boucle et de confirmer dans le lieu de naissance du football allemand, le bastion de Koch, que le football fait désormais partie intégrante de l'Allemagne.
Le football se diffuse en Allemagne pour plusieurs raisons tout d'abord son accessibilité, son caractère fédérateur, sa capacité de rassemblement des choses que les pionniers du football allemand avaient bien compris et que les conservateurs, les dirigeants du pays comprendront plus tard. Le football était fait pour l'Allemagne et l'Allemagne était fait pour le football. Pauvres, riches, intelligents ou moins intelligents, le football rassemblait tout le monde dans une même équipe et déjà, l’union faisait la force. Union mot qui résonnera aux oreilles des politiques allemands qui verront dans le football un formidable moyen de rapprochement entre classes sociales et ainsi une union identitaire forte.

(Le BFC Germania en 1888)

Le football comme facteur de rassemblement entre tous les allemands, tandis que la gymnastique forme les jeunes allemands à la discipline, à l'ordre, le football, lui, encourage à la camaraderie, à l'idée de collectif, l'union de ses deux sports est idéal, ils se complètent dans la formation d'un idéal national allemand.
Le football touche toutes les couches de la société et devient un sport qu'il faut pratiquer, il devient tant populaire qu'il est un facteur de reconnaissance social ainsi à Hambourg en 1884, l'élite du négoce et du monde bourgeois se doit d'avoir un membre de leur famille dans une équipe de football et notamment au niveau local.
Le football allemand se structure et se développe, comme en Angleterre plusieurs fédérations se disputent le monopole du pouvoir éxecutif ainsi deux fédérations berlinoises la Bund Deutscher Fussball Spieler (Fédération des jouers de football allemands) et la Deutschen Fussball und Cricket Bund ( Fédération allemande de Football et de Cricket) s'opposent. Toutefois en 1890, la Bund Deutscher Fussball Spieler fondera le premier championnat national. Les deux premiers titres de champion seront d'ailleurs remportés par le BFC Germania en 1890 et 1891, un club qui existe toujours de nos jours. Ces deux succés consécutifs d'un club berlinois indique dans un premier temps une domination au niveau national des équipes de la capitale impériale cependant cette supériorité sera de courte durée.

Le football permet aussi au sport allemand et à l'Allemagne par extension de s'importer en Europe ainsi des matchs contres des clubs étrangers sont organisés avec notamment la formidable équipe de Karlsruhe qui battra Liège 7-0 en 1888 et battra aussi les équipes de Prague et Vienne, le match de Vienne étant un peu particulier par le passé entre Allemands et Autrichiens. Le football d'abord détesté pour son origine anglaise en Allemagne fera déplacer les allemands par deux fois en Angleterre où une composition de joueurs allemands affrontée les pionniers anglais en 1899, les matchs se finiront sur les scores serrés de 13-2 et 10-0 pour les anglais, c'est un affront pour les allemands mais la symbolique est ailleurs, le football d'abord détesté en Allemagne a servi a rapprocher le temps de deux matchs, deux nations méfiantes l'une envers l'autre.
Le football comme le redouté Koch se professionalise. Les équipes deviennent de plus en plus nombreuses, les adhérents de plus en plus enthousiastes.

Touchant le milieu ouvrier, le football devient un véritable vecteur d'insertion sociale, les joueurs deviennent des exemples, des héros locaux. Les équipes se respectent dans le jeu et rapprochent les allemands entre eux par les valeurs que le football véhicule : Collectif, camaraderie, solidarité, convivialité et amusement.
L'un des exemples de ces rapprochements entre allemands est sans aucun doute cette rencontre entre l'équipe de Berlin et celle de Brême en 1894 ainsi les rencontres s'apparentent à des manifestations festives et constituent un moyen de nouer des liens amicaux. En 1894, les joueurs et les amis d'un club de Berlin accueillent leurs futurs adversaires de Brême à la gare en fanfare, dès la veille du match ; ils les conduisent à l'hôtel où des discours sont prononcés avant et pendant le banquet, lequel se prolonge tard. Le lendemain, visite de la ville puis la rencontre peu après. La journée se conclura par des toasts avant un retour collectif à la gare où retentissent des adieux démonstratifs.

L'industrialisation de l'Allemagne oblige de nombreux allemands des campagnes à s'installer dans les villes souvent seuls. Le football permettra un rassemblement de tous ses hommes qui trouveront dans le football un moyen de s'intégrer et de retrouver une certaine convivialité qu'ils avaient perdus en quittant leur famille. Le football contribue à donner un nouvel équilibre aux sociétés industrielles modernes. Pourtant majoritaire dans les effectifs des clubs, les jeunes ouvriers manquent de disponibilité, sont souvent soumis à des tâches pénibles et craignent les blessures synonymes de perte d'emploi...

(Walter Bensemann)

Le football connaît une certaine professionalisation en fin de XIXème siècle, cette avancée est dû à sa popularité mais cela est aussi à un homme qui a très vite compris le pouvoir fédérateur du football et sa capacité de franchir les frontières qu'elles soient territoriales, sociales ou politiques, son nom, Walter Bensemann. Ainsi participant à la structuration du football allemand, Bensemann fera partie des pères fondateurs de la Fédération Allemande de football faisant suite à la Bund Deutscher Fussball Spieler en 1900. En 1920 il fondera le journal Kicker, journal spécialisé et entièrement consacré au football.