Diego Costa, ce salaud au regard si doux

Lisbonne, dans la nuit d'un 24 mai, avait des faux-air de final hollywoodien. Le héros immaculé de blanc portait l'estocade finale à la dernière minute du match pour ensuite dévoiler ses muscles d'aciers, tandis que son vis-à-vis, lui, était depuis le début du match terrassé, la jambe meurtrie et les yeux embrumés, trahi par ce physique qui jadis avait tant fait trembler les défenses d'Europe. 

L'histoire aurait pu s'arrêter sur cette niaise conclusion, ce monde n'avait de place ni pour les salauds ni pour les petits poucet voulant jouer des coudes trop longtemps. Dortmund était bien rentré dans le rang lui, alors pourquoi en serait-il autrement pour les banlieusards de Madrid ? L'Atlético serait pillé durant l'été, regarderait à nouveau les deux monstres de la Liga se battrent entre eux, tandis que Costa, qui accumulait retours de blessure précipités et rechute anticipées, serait l'un de ses nombreux attaquant d'une seule saison, l'une de ses saveurs éphémère d'une football qu'on goûte avec plaisir, sachant bien que plus jamais on ne les reverraient sur la carte du buffet. Le rêve avait duré.

Il n'en fut rien. Le soir même où l'Atlético remporte une fois encore le derby, presque une habitude désormais, Diego Costa caracole seul en tête des buteurs de la Premier League, avec sept pions en quatre matchs, dans un Chelsea au onze de rêve et semblant grand favori au titre national, en convoitant encore bien plus. La saison dernière, Mourinho s'était plaint continuellement d'une absence de véritable buteur. Eto'o trop vieux, Torres trop mauvais, Schürrle trop tendre, son équipe qu'il qualifia de ''jeunes poulains'' chercha donc du renfort chez le dévoreur de placenta de jument. Une presque évidence.

L'entraineur de Chelsea, c'est connu de tous, n'a jamais été un grand joueur, mais s'il aurait pu s'incarner en un footballeur actuel, nul doute qu'il aurait choisit Costa. Les deux partagent cette même pensée unique : la victoire. Car ne nous y trompons pas. La réputation que Diego porte sur ses larges épaules, il la cultive de lui-même. Coup bas, crachat, intimidation, simulation, faute grossière, provocation, Costa connait les gammes du joueur détestable sur le bout des doigts, et les joues avec art à chaque match. Mais il s'en moque. Peu importe que les supporters adverses le respectent, pourvu qu'ils le craignent. Être sifflé, conspué, insulté un match entier n'a que peu d'importance quand le match est remporté. Surtout si comme souvent, on a pu planter un but, crier sa rage et dresser un poing fermement serré. La victoire n'a que faire du beau et du laid, du coup de génie ou du coup de coude, de l'admiration ou de la haine, un vrai champion se reconnaît par sa faim et son talent. Costa, c'est donc ce joueur horripilant, cette catin du front de l'attaque, ce Judas brésilien, ce plongeur espagnol, ce bourrin, ce poison. Mais c'est surtout ce champion, la vedette de l'Atlético qui remporta le championnat pour la première fois depuis 14 ans, le fer de lance du finaliste de la ligue des champions, et désormais la locomotive d'un Chelsea écrasant Albion de la force de son duo d'espagnol.

Si le profil semblait évident, le transfert fut accompagné d'un certain scepticisme. Lâché par son physique lors des deux finales de la saison, auteur d'une coupe du monde catastrophique, relégué hors du onze lors du dernier match et de la seule victoire d'une Roja dont il semblait incompatible, Diego Costa n'était plus ce buffle rageur et concasseur de défense, juste un fantôme errant entre prestation médiocre et blessure répétée, le symbole de l'échec de l'Espagne et de l'engagement physique consentit par l'Atlético pour rattraper les géants. Lui, l'une des pierre angulaire de la révolte des colchoneros, de ce printemps des matelassiers, ne verrait pas le soleil estival. Mais l'été indien est rempli de douceur. Cette greffe, si difficile avec la Roja, se déroule parfaitement du coté de Londres. Avec son alter-ego du banc, il se met de nouveau à rassasié sa faim de victoire, saupoudré des multiples caviars de Fabregas, auteur déjà de six passes décisives depuis le début de la saison.

Dans trois jours, Chelsea recevra Schalke 04, première sortie européenne pour ce Chelsea nouvellement racé de montrer sa valeur et de montrer sa force à l'Europe entière. Il était une fois dans l'Ouest de Londres, le bon Fabregas, la brute Costa et le truand Mourinho. Le far west, cette terre sauvage et cruelle aux antipodes des paillettes et des stras d'Hollywood. Car dans le grand ouest, les salauds sont parfois les héros des histoires. Et gagnent à la fin.

Chelsea Diego Costa

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Commentaires (1)

1. Excentricat 15/09/2014

Article parfaitement bien rédigé, très belle plume. Écrivain prometteur moi je dis.

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