Ces amis qui n'aiment pas le foot

Dès vos premiers échanges, vous avez de suite accrochés. Alors comme tout bon potes, vous avez par la suite partagé tellement de choses, vos bières, vos Mcdos, vos soirées, vos temps-libres. Et puis un jour, au milieu d'une conversation anodine, tu as lâché une référence sur le football. Ces soirées barbecues coupe du monde de l'été, ce match de ligue des champions à venir, ou la titularisation de Lacazette en équipe de France. Là, il y a eu un silence génant, un regard de dédain mi déçu mi-géné de sa part, et avant même qu'il ai pu répondre, tu as compris. Tu es encore tombé sur un ami qui n'aimait pas le foot.  

Tu le sais, tu ne répondras pas à ce qu'il dira. Tu as pourtant jadis livré moult batailles et débats, faisant vaciller à coup d'argument pertinents et de tirades endiablées les monolothiques clichés des anti-football. Mais tu as vite compris que tel Don quichotte, tu te battais contre des moulins. Qu'ils n'entendraient jamais. Qu'ils ne voulaient de toute façon pas entendre. Alors depuis devant les ''c'est un sport de beauf'', ''22 millionaires qui poussent une balle'', et autre, tu balances ce combo sourire cynique-regard noir, et tu ne dis rien. A quoi bon? De toute façon tu l'as vite vu, l'ami qui n'aime pas le foot ne te respecte pas.

Le fan de rugby :

Tout le monde ne peut pas être un héros, il faut bien des gens sur les trottoirs pour applaudir. Ce rôle de personne dans l'ombre, de sport sympa mais qui ne sera jamais planétaire, de second plus médiatisé, le rugby ne l'a jamais accepté, on n'a jamais vraiment su pourquoi d'ailleurs. Pourtant sur le gâteau médiatique, il s'en tire plutôt très bien, et ses confrères plus délaissés ne nous ont jamais embêté plus que ça. Non le basket se contente de ce qu'il a, le handball profite de sa génération dorée, le tennis reste à sa place. Et puis il y a le rugby. Le rugby c'est un peu cet adolescent en pleine crise d'identité, qui sous prétexte qu'on lui a dit une fois, candidement, qu'il était sympa et qu'il avait des principes se sent injustement méprisé par le reste de l'humanité et revendique un trône qui ne sera jamais le sien. Et le ballon ovale a enfanté par milliers de la marmaille aux idées bien carré, qui revendique sur toutes les tribunes qu'ils pensent être leurs que le rugby est un sport bien supérieur que le football. Les arguments on les connait déjà. ''Ce n'est pas un sport de femelette/tantouze au moins'', ''ils savent parler français'', ''on peut boire une bière avec les supporters adverses après le match'' et bien sûr ''nous avons des valeurs''. Ha, les valeurs du rugby, cette fantasmagorie dont personne n'a la même définition, et dont aucun ne peut citer concrêtement ce que c'est. Pourtant nous on l'aimait bien ce petit frangin à la gueule cassé et au ballon bizarre, mais faut l'admettre son complexe d'infériorité permanent a commencé à nous saouler sévèrement. On serait tenté de leur offrir un billet pour un pays où le rugby est sport roi qu'il arrête de nous faire chier. Bah tiens, vas en Angleterr... Ha non le football est majoritaire. En Argentin.. Non, rien. En Afrique du Su... Hum non plus. En Australie ? Non, c'est le football australien là. Non mais entre nous, il doit bien y avoir une raison ? Bon bah vas tourner le seigneur des anneaux en nouvelle-zélande et arrête de nous sermonner.

La fille :

Non, ce n'est pas sexiste. Oui, il existe des filles aimant, pratiquant, vénérant le football, merci de l'information. Mais sociologiquement parlant, ce pourcentage est tout de même relativement faible, et l'amitié avec une fille s'accompagne du risque de ce regard méprisant dès que tu évoques la balle ronde digne de celui de ton autre pote, le vegan, pendant que tu croques dans un bon Mcdo. La fille présente ce paradoxe d'avoir un fil d'actualité rempli de photos de chats, de phrases sur les célibataires ou le couple, d'article de Mademoizelle dû aux 43257 , mais t'en veux particulièrement d'avoir osé mettre un statut faisant référence au ballon rond, gâchant sa journée. La fille est sans doute celle qui a l'image la plus réductrice du fan de football, et qu'importe si tu écris des poèmes qui ferait frémir Baudelaire ou que tu passes tes samedis bénévolement à la croix rouge, tu ne seras jamais plus qu'un beauf pour aimer ce sport. Parfois même, elle se vante d'avoir un copain qui n'aime pas le foot. What the ?

L'engagé :

Eté 2014. Un étrange groupe fleuri sur les réseaux sociaux ''Non, je ne regarderais pas la Coupe du monde au Brésil'', expliquant leurs ''boycott'' par les conditions dans lequels ont été construit les stades, nettoyés les rues, expulsés les personnes. Non mais les gens, assumez juste de ne pas aimer le football, mais ne faites pas passer ça pour une pseudo-action sociale. L'engagé, c'est un peu cette bonne conscience avec auréole comme dans les dessins animés de ton enfance, qui n'a pas toujours tort sur le fond, mais dont tu sais très bien que ta vie serait assez chiante si tu l'écoutais tout le temps. L'engagé c'est aussi et surtout ce mec en manque de combat, et donc qui se sert de tout ces déplaisirs pour faire passer ça pour une revendication. S'il était allergique au lactose, il ferait passer son refus de boire du lait pour une protestation contre la construction de la ferme aux milles vaches. Le football est pour lui une source intarrissable de luttes à mener, du salaire des joueurs à la corruption de la FIFA, en passant par le racisme dans les stades. Néanmoins, l'engagé est facilement contrable, en le mettant face à ses contradictions. ''Et ton portable, il n'a pas été fabriqué par des pauvres enfants peut-être ?''/ ''Et le chanteur que tu vas voir en concert, il n'est pas payé des millions pour juste chanter des textes, qu'il n'a pour la plupart même pas écrit lui-même ?'', etc. Bien sûr tu sais que ce contre-argument est nul, que s'il fallait être parfait dans tous les domaines pour pouvoir critiquer quelque chose, l'humanité n'aurait pas fait un pas depuis des milliers d'années. Mais bon, à argument idiot, contre-argument idiot. Et il faut admettre que celui-ci marche bien.  

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