Le Crépuscule des Géants

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  • Le 07/10/2012
  • Commentaires (3)

Pays: Angleterre

Lieu: Manchester.

Année: 1992.

Cette année, 1992, est légendaire parmit les fans de Manchester United. En effet, ce fut à cette date là, que la légendaire Classe 92, formée par Roy Keane, David Beckham, Paul Scholes, Nicky Butt, Gary et Phil Neville, Ryan Giggs, fut sortie du centre de formation, et progressivement intégrée dans l’équipe première, dirigée par Sir Alex Ferguson. A ce moment là, personne n’aurait imaginé ce qui allait suivre. Oh, la génération était incontestablement très talentueuse, mais plus que partout, nous savons bien que dans le football, le talent ne suffit pas. Il faut d’autres choses, également, tel que le travail sur soi-même, la rigueur, l’hygiène de vie ... nombre de footballeurs furent anéantis avant même que le soleil ne se lève, car ils se reposaient sur leur seul talent.

Mais cette année là, il y avait quelque chose d’autre. Quelque chose de spécial. Cette Classe 92, n’était pas comme les autres. Non, c’était ici, le début de la Légende.

Ryan Giggs était un aillier tout ce qu’il y avait de plus complet. Le gallois avait un pied gauche déjà bien précis, et il volait continuellement sur le flanc gauche des pelouses anglaises et européennes.

Paul Scholes lui, démontrait déjà une certaine vision de jeu, au-dessus de la normale. Quant aux autres membres, nous n’en parlerons pas ici. Sous les regards de joueurs tels qu’Eric Cantona, nos jeunes Devils commençaient leur progression. Les années commencèrent à passer. Les titres commencer à suivre. Le talent de cette équipe était désormais certain. La renversante finale de Ligue des Champions, remportée face au Bayern Munich, grâce à des buts de Sheringham et Ole Gunnar Solskjaer, n’était qu’une page de plus, dans ce qui s’écrivait comme étant le début d’une nouvelle ère, symbolisée par le Spice Boy, David Beckham, qui attirait l’attention des médias.

Scholes et Giggs, continuaient à jouer simplement au football, et n’intéressaient pas réellement les médias. Le grand public ne les connaissaient pas réellement, mais dans le milieu du football, nul ne pouvait remettre en cause leur talent. Les années continuaient encore à passer, et les joueurs commençaient à disparaître. La Classe 92, commençait à perdre ses membres. Nicky Butt, David Beckham, Phil Neville, étaient partis vers d’autres horizons. Paul Scholes et Ryan Giggs, eux, ne partirent pas. Pendant des saisons, ils distillèrent des caviars à leurs avants centres, que ce fut Yorke, Cole, Sheringham, Solskjaer, Van Nistelrooy, Saha, ou plus récemment, des joueurs tels que Cristiano Ronaldo, Wayne Rooney, Carlos Tevez ou encore Javier Hernàndez. Chacun d’eux traversaient le temps et évoluaient à leurs manières.

 Ryan Giggs: explosif et technique, jusqu’à intelligent ... et technique.

Pendant près de deux décennies, Ryan Giggs constituait l’archétype de l’aillier parfait: rapide balles aux pieds, technique, facile dans l’élimination, disposant d’une bonne qualité de centre, adroit devant les buts, hargneux dans ses tacles défensifs, qui devinrent alors des tacles offensifs, le gallois écumait les défenses britanniques et européennes par toutes ces qualités citées ci-dessus. Néanmoins, plus le temps passe, et plus le gallois perdait logiquement au niveau physique. Les longues chevauchées folles comme ce but brillant face à Arsenal en Cup, devinrent peu à peu de lointains souvenirs. Il n’avait plus les jambes, pour slalomer de la défense jusqu’à l’attaque, pour revenir de l’attaque jusqu’à la défense. La fatigue commençait à avoir raison de ses jambes qui étaient en feu jusque-là (bien que Giggs, n’a en soi jamais réalisé de saisons transcendantes, de bonnes saisons, ou très bonnes tout au plus). Le gallois connut sa dernière Grande saison sur l’aile lors de la saison 2006/2007. Symboliquement, cette année-là, constituait une année décisive. C’était le début de l’explosion de la nouvelle génération, emmenée fièrement par Wayne Rooney et Cristiano Ronaldo. Cette année là, Ryan Giggs et Scholes apparaissaient déjà, comme de très anciens joueurs. Souvenez-vous, de cette poignée de main, entre Paolo Maldini et Ryan Giggs à Old Trafford. Sur TF1, ce furent bien deux légendes qui se serrèrent la main, avec l’ami Thierry Gilardi qui s’exclamait: « Giggs, ça fait 17 ans qu’il est à Manchester ! »

Aujourd’hui, il a déjà passé le cap des deux décennies au club, marquant au passage au moins un but à chaque saison de Premier League depuis sa création, un record dans le monde du football anglais. Un de plus, devrais-je dire.

Après sa belle saison 2006/2007, Giggs commença à perdre de son niveau sur le coté gauche. Si ses ballons étaient toujours aussi marqués par sa touche technique, le gallois connu un exercice 2007/2008 plus mitigé sur cette aile qu’il a arpenté pendant de nombreuses saisons. Il marquera néanmoins le dernier but de United en Premier League face à Wigan, celui qui a scellé le sacre des Red Devils. Pour l’anecdote, le premier but avait été marqué par ... Paul Scholes, évidemment, d’une frappe puissante face à Portsmouth. Et il remporte également la Ligue des Champions aux dépends de Chelsea lors d’une épique séance de tirs aux buts, transformant le sien de manière parfaite. Mais soit, revenons en plutôt à son bilan personnel. Le Gallois a perdu physiquement, de sa vivacité, de sa capacité à aller de droite à gauche, de l’arrière vers l’avant, et de l’avant vers l’arrière. Il tient moins le coup physiquement, et c’est chose tout à fait compréhensible.

C’est donc dans cette optique là, que le gallois a décidé de changer son style de jeu, et que Sir Alex Ferguson a décidé de le placer dans un rôle plus axiale lors de l’année suivante. Avec une certaine réussite, même. On se souvient sans doute tous de son huitième de finale dantesque face à l’Inter Milan de José Mourinho, de sa très grande prestation face à Chelsea lors du 3-0 à Old Trafford, et de quelques autres matchs de haut vol de la part du Welsh Wizard cette année là. Profitant de sa grande qualité technique, il pouvait encore éliminer ses adversaires et distiller de bons ballons, en étant déchargé d’une partie de ses tâches défensives. Malheureusement, l’histoire se termina mal à Rome, où Giggs coula face à ses adversaires catalans, n’existant que très rarement, le temps d’offrir un bon ballon de contre à Cristiano Ronaldo, de décaler ce même Ronaldo sur la gauche, qui aurait pu offrir une occasion à United, si par la suite Rooney avait pu récupérer le ballon de Michael Carrick, avant de s’offrir un rush au milieu de la défense Barcelonaise, pour servir Dimitar Berbatov, dont le ballon sera contré pour arriver sur ... Ronaldo encore, mais qui buta sur Valdès. C’est un bilan trop maigre, pour un joueur de cette envergure.

L’année passa encore, et celle qui vint, ne fut pas réellement meilleure. S’il commença la saison tambour battant avec une prestation désormais mythique face à Manchester City avec à la clé trois passes décisives, qu’il a offert un gros match face à Wolfsburg en Ligue des Champions, et contre Stoke City en débloquant une situation difficile, notre sorcier gallois a terminé la saison de manière relativement anonyme, ne parvenant pas à faire gagner à United un quelconque titre.

La saison suivante, le Gallois reprit sa domination dans l’axe, où techniquement très au-dessus de la moyenne, il parvint, aux cotés de Michael Carrick et de Wayne Rooney notamment, à emmener Manchester United en finale de la Ligue des Champions, où le gallois coula de nouveau, non sans avoir effectué une passe décisive, à Rooney en l’occurence, comme lors de tous les tours de cette compétition.

L’année suivante, fut bien plus pauvre, le gallois effectue une année encore blanche, mais devient presque un boulet pour Michael Carrick lorsqu’il joue à ses cotés, quand un an auparavant, ce duo avait effectué de belles choses. Physiquement, Giggs perd encore, et n’est plus du tout capable d’assurer un travail défensif conséquent. Néanmoins, sa technique est toujours présente, et il a pu gratifier le public de quelques beaux gestes, encore.

Giggs est donc devenu un joueur plus calme, moins explosif, qui base d’abord sa réussite sur sa technique et sa vision de jeu.

 Scholes: Complet, partout, tout le temps.

Paul Scholes, lui, a eu un parcours relativement similaire, si on ne tient pas compte des caractéristiques des joueurs, bien que plus sinueux. Il a en effet été milieu, puis soutien de l’attaquant dans un duo d’enfer avec le neerlandais Ruud van Nistelrooy, avant de nouveau reculer.

Mais quelque soit sa position sur la pelouse, Paul Scholes est probablement le meilleur joueur de sa génération. Capable de d’éliminer des adversaires sur de courtes distances il y a plusieurs années, comme son but face à Blackburn en 2007 lors du succès des Red Devils par 4-1, il dispose d’une vision de jeu hors du commun, capable de trouver ses coéquipiers de manière difficilement imitable, avec une qualité de passe longue, courte exceptionnelle. Les supporters mancuniens ont deux choix, lors de chaque transversale de Scholes: la première, c’est de rester là, silencieux, à contempler le spectacle. La seconde, c’est d’applaudir à la gloire du rouquin.

C’est peut-être pour cela, qu’Old Trafford aujourd’hui, n’est pas complètement silencieux.

Malgré tout, bien qu’il ai évolué en soutien de l’attaquant l’espace de quelques temps, Scholes a toujours été un milieu de terrain, qui dictait le jeu des joueurs de Sir Alex Ferguson de sa position de milieu de terrain, qu’il soit dans un milieu à deux ou à trois. Il a connu les années fastes post-Cantona, et la période blanche post-Beckham. Depuis 2007, il connaît à nouveau de belles périodes. Son association avec Michael Carrick avait été excellente lors de la saison 2006/2007, à tel point que même un journal comme l’Equipe, a réussi à le désigner homme du match après le match retour entre Manchester United et Lille, ponctué par un but victorieux d’Henrik Larsson pour les mancuniens.

Scholes a réalisé une campagne assez exceptionelle, marquant quelques buts, réussisant à fluidier les actions mancuniennes de ses passes parfaites, suivant avec un enthousiasme retrouvé ses jeunes et impétueux partenaires, Ronaldo, Rooney, Saha, dans leurs aventures. Ponctué par un sacre de champion d’Angleterre, cette saison fut réussie.

Mais Scholes ne fut pas franchement heureux, du dénouement de cette année. Il a d’abord été vaincu par le rugueux milieu de terrain de l’AC Milan, et puis battu par Chelsea en Finale de la Cup.

Qu’importe, Scholes ne renonce pas. Il veut toujours remporter sa Ligue des Champions, lui qui était suspendu en 1999.

Ce sera chose faîte un an plus tard. Si durant cet exercice, il avait été moins en verve, avec la montée des Hargreaves, Anderson et autres Fletcher, il marqua le but Légendaire de l’année, face au FC Barcelone de Xavi d’une frappe sèche dans la lucarne. Champion d’Angleterre et d’Europe, il aurait voulu le refaire la saison suivante, mais le FC Barcelone vint cette fois-ci à bout des Red Devils.

L’année suivante, Scholes la commença timidement. Pas totalement dans le coup pendant la première moitié de saison, Scholes a brillé en deuxième partie d’exercice, Sir Alex l’utilisant avec parcimonie, ainsi, le rouquin marqua notamment un but épique face à Manchester City dans le temps additionnel, ce qui lui valu tout l’amour de Gary Neville.

Mais cela fut malgré tout insuffisant. United perdit ses titres, et donna néanmoins rendez-vous pour la saison suivante. Scholes, cette fois-ci, eu le chemin inverse, démarrant tambour battant la saison, avec une prestation gargantuesque face à Newcastle, West Ham, Chelsea, Fulham, Everton avant de petit à petit, sombrer. United sera champion d’Angleterre mais Scholes, entré à la place de Carrick en finale, ne put empêcher Barcelone de soulever une nouvelle fois la Ligue des Champions devant Manchester. Déçu, le rouquin décida de prendre sa retraite ... un certain temps, avant de revenir briller de milles feux outre manche, durant la seconde partie de l’exercice 2011/2012, permettant à Manchester de croire jusqu’au bout que ses bruyants voisins ne lui ravissent pas son titre de Roi.

 Tout ça pour quoi ?

Récemment, Ryan Giggs et Paul Scholes ont tous les deux été antagonistes lors du match face à Tottenham à Old Trafford. Quand le gallois se noya complètement, techniquement hors du coup et physiquement écrasé, Scholes éclaira le match de sa géniale qualité de passe et de sa vision de jeu. Mais le problème reste le même. Les deux géants sont au crépuscule de leur carrière. Et Sir Alex Ferguson ne parvient pas à se séparer d’eux, non. Il a eu beau dire qu’il « allait se séparer des joueurs historiques » s’il le fallait, comme Wesley Brown et John O’Shea, il semblerait que l’écossais ait tout de même plus de difficultés à ce niveau là.

Peut-être parce que Ryan Giggs et Paul Scholes, sont plus que de simples « joueurs historiques », qui ont été dans l’Histoire du club. Peut-être que Ryan Giggs et Paul Scholes, ont été membres fondateurs de cette Histoire. Peut-être que j’exagère. Ryan Giggs n’a plus son niveau d’antan, et Sir Alex n’arrive pourtant pas à lui dire « Stop », et quant à Scholes, il est simplement trop fort pour pouvoir s’arrêter.

Pour le bien de l’équipe, ces deux joueurs sont sans nul doute un plus indéniable, au niveau de l’expérience et de la technique, même si Giggs n’est plus tout à fait le même. Peut-être que l’Histoire offrira au monde du football, le plus beau Crépuscule de tous les temps. Un jour, un match de jubilé, durant lequel, Sir Alex Ferguson, Ryan Giggs, et Paul Scholes seront tous là, pour disputer ensemble, un dernier match.

Le Crépuscule est un moment majestueux. Lorsque vous voyez le ciel s’illuminer, faisant devenir orange un ciel bleu le jour et noir la nuit. Mais le Crépuscule, ne dure jamais trop longtemps. Même lorsqu’il s’agit du Crépuscule des Géants.

Parce qu’un jour, il faudra pouvoir dire « Au Revoir » à deux des plus grandes Légendes de Manchester.

Giggs Scholes Crépuscule

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Commentaires (3)

1. RedEye 07/10/2012

Merci beaucoup x)
Oui, ce sont deux joueurs très sous estimés en France, en particulier Scholes. Giggs a plus été sous les feux des projecteurs depuis quelques années. J'avoue que les voir partir me fera assez mal au coeur, mais en parler maintenant atténuera cet effet. ^^

2. Juanma 07/10/2012

Que dire hormis, superbe et magnifique !

3. Louis 07/10/2012

Magnifique article !

Ce sont des joueurs qui ne devraient pas partir, jamais. Des joueurs qui devraient rester physiquement au top, mais malheureusement ça ne sera pas le cas.
En tout cas, deux joueurs sous-cotés qui ont marqués la planète foot, que ce soit joueurs, entraîneurs ou spectateurs.

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