Historique !
- Le 15/10/2012
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- Dans International
[i]Ce vendredi 12 octobre, le Japon a réussi le coup parfait en battant l'équipe de France sur son terrain, dans les dernières minutes d'un match terne et peu emballant. Une historique première face aux tricolores.[/i]
Pour moi, comme pour tous les fans de foot japonais résidant en France, ce duel avait une saveur particulière. Il s'agissait de montrer aux médias français, corrosifs et moqueurs à l'évocation du Japon - et de tout autre pays d'Asie qui n'est pas le vénérable et richissime Qatar - que cette équipe vilipendée et méconnue a réalisé de substantiels progrès depuis quelques années. Et qu'elle a maintenant les armes pour titiller la France des """talentueux""" Ribéry et Menez, si ce n'est la battre. En somme, un enjeu de taille auréolait ce match.
Malheureusement, plusieurs handicaps sont venus doucher mon optimisme béat. D'abord, la condition physique exécrable d'un pièce maîtresse de l'effectif comme Hasebe (milieu spécialisé dans les tâches défensives et capitaine de l'équipe), << carré >> dans son club par le fou-furieux Magath qui ne l'a pas encore utilisé une minute à Wolfsburg cette saison. Ensuite, les indisponibilités qui ont touché le secteur offensif, avec les blessures de l'hargneux Okazaki, de l'élégant Maeda ou encore du génie Keisuke Honda, lequel transfigure à chaque fois le jeu des samouraïs par sa seule présence et son rayonnement sur ses coéquipiers. Et enfin, le conservatisme légendaire de Zaccheroni, dont le choix des joueurs est de plus en plus sujet à caution : Honda, meneur de jeu et patron indispensable de l'équipe, est absent contre la France, et que fait-il ? Il le remplace rôle pour rôle - au poste de numéro 10 - dans le 4-2-3-1 habituel par le fébrile Kengo Nakamura, sans rien changer autour. Un classique, avec le sélectionneur italien. Ne pas aligner la meilleure équipe possible au coup d'envoi, tel est son crédo. Une preuve ? Inui, le nouveau Kagawa de Bundesliga avec son club du Eintracht Francfort, végète sur le banc. Quant à Usami, le prodigieux espoir passé par le Bayern, qui flambe actuellement avec Hoffeneim au poste d'ailier et dont la percussion est absolument unique au au pays du soleil levant, il ne figure même pas dans la liste des sélectionnés. Au contraire d'un Miyaichi spécialisé dans les courses de 100m balle au pied. Pas de quoi, donc, me rassurer en vue d'un match face à la puissante et athlétique France...
Voici l'équipe alignée au coup d'envoi :
-------------------Kawashima--------------------
----------Yoshida----------Konno---------------
H. Sakai------------------------------Nagatomo
--------------Endo----------Hasebe--------------
Kiyotake----------------------------------Kagawa
------------------K. Nakamura---------------------
--------------------Havenaar-----------------------
Honda absent, Nakamura est chargé de distribuer le jeu. Havenaar de jouer en déviations (enfin, on suppose). Kagawa de créer du mouvement en s'infiltrant dans l'axe. Et H. Sakai de mettre en avant son physique plus étoffé que celui de Uchida, l'habituel numéro un au poste de latéral droit. Endo, lui, a la lourde tâche de faire le lien entre l'attaque et la défense, pendant que Hasebe, seul milieu à vocation défensive du onze titulaire, doit soutenir la comparaison avec les trois numéros 6 alignés en face, malgré sa méforme. Une mission hautement périlleuse...
D'ailleurs, dès le début de match, le milieu français a dicté sa loi dans l'entre-jeu. Capoue, Sissoko, Matuidi, ont chacun exercé un pressing hargneux et agressif qui a énormément gêné le jeu au sol japonais sur ce terrain indigne d'un match de très haut niveau. Gras, bosselé, bouffi de mottes de terre, il n'est absolument pas propice à l'épanouissement de la tactique nippone. En difficulté, Kagawa demeure toutefois le chef d'orchestre : tous les ballons passent par lui. Il réussit avec plus ou moins de succès à les bonifier, son équipe essaie d'exister, mais hélas, la différence au niveau athlétique semble irréelle : tous les duels, absolument tous, sont gagnés par des français dominateurs.
Et ce n'est pas le grand Havenaar, du haut de son mètre 94, qui parvient à soulager son équipe dans ce domaine. Pire, il se fait dominer par Sakho et Jallet. Il est absolument inutile. Avec lui, le Japon a joué à 10 contre 11. Aussi lent qu'un spermatozoïde, moins technique que Brandao, aussi fragile que ses coéquipiers dans l'impact, il a tué dans l'oeuf tous les beaux mouvements initiés par le trio Kagawa-Endo-Kiyotake quand ceux-ci étaient en possession du ballon. C'est-à-dire, rarement. L'extrême solidité française dans les duels, en effet, permettait à l'EDF de monopoliser le cuir.
Pour en faire quoi ? That is the question. Sans créateur, l'EDF multiplie les corners et les incursions dans le camp adverse, affiche de bonnes intentions, mais son jeu est stéréotypé, prévisible, dénué de folie. Seul Benzema, joueur de classe mondiale s'il en est, parait en mesure de débloquer la situation. Manque de bol, il a une forte propension à privilégier la solution individuelle et voit chacune de ses tentatives accoucher d'un flop ou de tirs non-cadrés. Là où il s'est montré le plus dangereux, c'est sur un coup-franc à mi-hauteur bien détourné par l'excellent Kawashima (39'). Sorti de là, RAS côté bleu, hormis peut-être une tête de Koscielny passant à côté du but.
Au final, dans cette première période, le Japon s'est fait - comme souvent - écraser physiquement, n'a crée aucun danger, mais dire qu'il a subi une pression continue et étouffante sur son but relèverait de l'hyperbole. Face à des nations comme l'Australie, par exemple, je l'ai vu traverser des entames de match bien plus difficiles, avec situations abominables pour un supporter : des sauvetages en catastrophe sur la ligne de but, des frappes sur le poteau, etc... Et pourtant, à chaque fois, il a fini par s'habituer à l'intensité adverse au cours du match, à tranquillement installer son habituel jeu de passes et, à l'usure, à arracher un bon résultat au bout du compte. Bis repetita ? Une chose est sûre, à la pause, j'ai commencé à y croire, surtout que dans cette première mi-temps le Japon a toujours essayé de ressortir proprement le ballon, sans tomber dans le piège ridicule - mais tentant lorsqu'on est dominé - de lancer des longs ballons vers le fantôme Havenaar, rebaptisé Kanulaar ou Caravenaar (mix entre Havenaar et Caravane) par certains fans.
Et finalement, j'ai eu raison de garder espoir. Au retour des vestiaires, les samouraïs sortent progressivement la tête de l'eau. Le bloc évolue plus haut, coulisse intelligemment en cas de possession adverse, évite les duels autant que faire se peut grâce à des joueurs plus mobiles, Endo retrouve miraculeusement son jeu en profondeur, le possession de balle se rééquilibre totalement, et tout d'un coup le Japon respire. Certes, Benzema est sorti en vue du match face à l'Espagne mardi. Certes, l'EDF est toujours menaçante. Mais elle enchaîne les transmissions stériles. Stériles comme les rushs balle au pied de Moussa Sissoko, d'ailleurs ... Côté asiatique, la première occasion franche est à mettre au crédit de K. Nakamura à la 55ème minute, sur un tir anodin et peu puissant relâché par Lloris, le meilleur gardien du monde qui aurait dû débarquer en seigneur à Tottenham selon la presse française. Havenaar la caravane est opportuniste et récupère la balle, mais il est trop lent pour devancer les retours adverses et tirer. Il remet toutefois à Kagawa qui, trop altruiste, la joue en retrait au lieu de tenter la frappe... L'EDF a eu chaud..
Et enfin, à la 60ème minute, arrive le double changement salvateur. Kengo Nakamura (à ne pas confondre avec Shunsuke Nakamura, s'il vous plait), quasi-transparent, laisse sa place à Inui, décalant ainsi Kagawa au poste qu'il affectionne, c'est-à-dire dans l'axe, tandis que Hasebe dont le match fut très moyen - pour ne pas dire plus - à cause de sa forme actuelle sort pour Hosogai, son homologue du Bayer Leverkusen. Il était temps ! Voici à présent le milieu et l'attaque nippone :
----------Endo---Hosogai--------
Kiyotake-----------------------Inui
---------------Kagawa--------------
--------------Havenaar-------------
Avec Inui, les incursions japonaises dans le camp adverse se font plus incisives. L'ailier de Francfort combine toujours aussi bien avec Kagawa, son ex-coéquipier du Cerezo Osaka à une époque où ces deux-là n'étaient que des étoiles montantes du football nippon. Au milieu, Hosogai apporte une sécurité nouvelle, ce qui permet au vibrionnant et excellent Nagatomo de multiplier les aller-retour dans son couloir gauche pour apporter des solutions offensives. Son entente avec Inui est au beau fixe et, plusieurs fois, Jallet a souffert de son coup de rein. L'un de ses centres a d'ailleurs failli accoucher d'un but contre son camp singé Sakho. Un autre, quant à lui a effleuré le crâne d'un Havenaar décidément toujours inutile...
Côté français, la menace demeure. Ribéry est dynamique, ses prises de balle et ses accélérations mettent en danger un Hiroki Sakai pourtant au niveau tout au long de la rencontre, mais hélas pour les supporters des bleus, il s'est révélé trop personnel dans le dernier geste. Ce joueur connaît-il la bonne passe au bon moment ? S'il parvient à créer une brèche, sa vision de jeu quasi-nulle ne lui permet pas de les exploiter...
Dans les dernières minutes, le match se débride entièrement avec des situations chaudes de part et d'autre. On sent chez les bleus et leur sélectionneur la volonté de gagner, comme en témoigne l'empressement de Ribéry pour effectuer une simple remise en jeu. L'ennui, c'est que les japonais n'ont plus trop de difficultés à approcher du but adverse, ni à donner des sueurs froides à la défense tricolore. Le K.O est tout proche. Gomis marque un but hors-jeu, Giroud contraint Kawashima à une parade top class, et finalement, sur un contre d'école conclu par Kagawa, le Japon ouvre la marque à la 88ème minute. Le coup de massue est terrible pour les français. D'ailleurs, ils auraient subi une défaite plus lourde si Nagatomo n'avait pas manqué de lucidité dans les ultimes secondes, avec une frappe croisée qui s'est envolée dans les tribunes clairsemées du Stade de France. Pour le Japon, la victoire est historique. Premier succès face à la France, et premier succès obtenu sur les terres d'une << grande nation européenne >>. Un jour à marquer d'une pierre blanche à la fédération japonaise de football.
Et si on peut souligner que le Japon n'a pas forcément dominé les débats (surtout pas en première période), ça n'enlève en rien qu'il a réalisé un match sérieux, correct, appliqué, avec une intelligence de jeu très supérieure à celle de l'homologue français. Il a construit sa victoire avec patience, sans paniquer, avec une maîtrise nouvelle. Une jolie performance, donc. Car sans aucune référence au haut niveau mondial depuis deux ans et une victoire face à l'Argentine à domicile en octobre 2010, il était difficile d'attendre du Japon qu'il vienne s'imposer en France (chose qu'il n'avait encore jamais fait dans sa jeune histoire) avec un 0-2 net et sans bavure, surtout avec les forces en présence (absence de Honda, Hasebe à court de forme, K. Nakamura en première mi-temps, la catastrophe Havenaar, etc...).
Notons quand même que, dans cette fin de match à bâtons rompus, l'équipe qui respirait le plus le football l'a emporté. Au final, c'est plutôt sain. Et les journalistes français, qui méprisent le Japon comme ça ne devrait même pas être permis, peuvent ramasser leurs dents. Deschamps aussi, pour mon plus grand bonheur. Ce revers les plonge dans la terreur avant d'aller défier une Espagne en qui je vois la meilleure équipe de tous les temps au niveau des sélections. Bon courage...
Côté nippon, le prochain adversaire, c'est le Brésil. Sans vouloir vexer personne, je subodore que les auriverde, récents destructeurs de la Chine et de l'Irak (8-0 et 6-0), vont proposer une opposition bien différente que celle des bleus, aussi cela sera beaucoup plus difficile, même en cas de titularisation de Honda. Il faudra s'accrocher, s'arracher pour éviter la taule, mais c'est l'un de ces matchs que l'on a envie de vivre. Moi, j'apprécie de voir le Japon s'étalonner contre ces grandes équipes !