Les Girondins de Bordeaux en 1983/1984 : champions grâce aux transferts, une forme nouvelle de domination

Avant l'Olympique de Marseille de Bernard Tapie, il y avait les Girondins de Bordeaux de Claude Bez. Acteur-mangeur sur le marché des transferts, il transforme un club tombé dans l'anonymat au cours des années 1970 en véritable conquérant dans les années 1980. Son premier titre de champion en 1984 marque non seulement le début de quelques années glorieuses, mais aussi l'entrée définitive du foot business dans le monde du football français. 

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(photo sudouest.com)

Un clivage par rapport aux années 1970

Cette époque fait encore la part belle aux joueurs fidèles à leur club. L'épopée de Saint-Etienne en Ligue des Champions en 1976 en témoigne : parmi les titulaires lors de la finale face au Bayern Munich, perdue 2-0, on peut compter Jean-Michel Larqué, Dominique Bathenay, Gérard Janvion ou encore Hervé Revelli. Plus précisément, l'AS Saint-Etienne reste le modèle en matière de formation des années 1970, avec le FC Nantes. On parle même plutôt de " postformation ", car les premiers centres de formation au sein des clubs n'arrivent qu'à la fin des années 1970. Une véritable politique de formation n'est décidée qu'en 1973, inclue dans la Charte du Football Professionnel de Philippe Seguin, et concrétisée avec la création de l'INF Vichy, ancêtre de l'INF Clairefontaine.

Jusqu'ici, les joueurs grandissaient en général dans leur petit club régional, puis se faisaient repérer par un club plus important lors de nombreux tournois organisés, et pouvaient dès lors espérer signer un contrat professionnel, le nouveau club se chargeant d'achever leur formation. C'est la raison pour laquelle on parle de postformation. A titre d'exemple, chez l'AS Saint-Etienne championne de France en 1973/1974, on peut compter 67% de joueurs formés au club dans la totalité de l'effectif, un taux qui monte à plus de 80% en considérant l'équipe-type sur la saison. Les transferts n'ont alors qu'un rôle mineur dans le fait de conquérir des titres. 

La folie des transferts, une passion chez Claude Bez

A Bordeaux, on ne pense pas de la même manière qu'à Saint-Etienne. Claude Bez, président des Girondins depuis 1978 après en avoir été le trésorier, désire construire une grande équipe pour connaître le succès. Allié au maire de la ville, Jacques Chaban-Delmas, il recrute ainsi près de 19 joueurs internationaux entre 1980 et 1986. Dans la totalité, cela représente 39 arrivées de joueurs et 30 départs entre 1980 et 1989, lorsque Aimé Jacquet en était l'entraineur. Pour ce faire, le club aurait perçu près de 40 millions de francs de subventions et de garanties d'emprunts de la part de la mairie, une procédure qui se pratiquait beaucoup à l'époque, au contraire de maintenant. Cet appétit de joueurs était censé venir satisfaire les désirs de succès sportifs de Claude Bez, adeptes des termes " business, business ", selon le journaliste et suiveur des Girondins à ce moment-là, André Latournerie. 

L'équipe-type de leur titre en 1983/1984 ressemble à la suivante : Delachet dans les buts ; Battiston, Spech, Thouvenel et Tusseau en défense ; Girard, Giresse, Martinez et Tigana au milieu de terrain ; Lacombe et Müller en attaque. Cette équipe a été dégagée en fonction du nombre de matchs joués. D'après cette équipe, on peut dégager les stratégies de recrutement pratiquées par Claude Bez et son bras droit Didier Couécou. Ainsi, il s'agissait d'acheter les meilleurs joueurs français du moment (Battiston, Lacombe, Tigana), des joueurs à la régularité reconnue (Girard, Specht, Tusseau) et quelques étrangers aux caractéristiques différentes, utilisées pour se démarquer dans le championnat (Dieter Müller, auteur de 159 buts en 248 matchs avec le FC Cologne entre 1973 et 1981). Au total, dans l'effectif de 18 joueurs cette saison-là, seul Alain Giresse, l'enfant du club, y a été formé. Cela nous donne un effectif composé de 94,5% de joueurs issus de transferts, une politique issue de l'appétit vorace de Claude Bez sur le marché des transferts, prêt à tout pour connaître le succès. Il s'agit du premier club de l'histoire du championnat de France à atteindre un tel pourcentage. 

Par la suite, la politique se poursuit, avec deux autres titres de champion en 1985 et 1987. Mais la qualité de recrutement n'est pas toujours au rendez-vous, en témoigne les 18 millions de francs investis sur le Portugais Fernando Chalana après le titre de 1984, et qui n'est jamais arrivé à justifier cet investissement. 

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